15 avr. 2024

Écouter de la musique pendant le travail : la fausse bonne idée ?

Salutations, voyageur !

À l'heure où je tape ce titre alléchant sur mon clavier, avec mes gros doigts vigoureux, une partie sombre de mon cerveau hurle au scandale. "Elle ne sait pas ce qu'elle dit, elle a perdu la raison depuis qu'elle consomme du fenouil frais ! VOTRE HONNEUR JE VOUS EN SUPPLIE ARRÊTEZ-LA §§§"

J'imagine que tout le monde a un rapport différent à la musique. Je le pense vraiment, car nous avons tous des sensibilités différentes aux rythmes, et surtout, aux genres. Mes playlists sont composées à part égales de bandes-son de jeu vidéo, de chillwave (synthwave, EDM et lowfi), ainsi que de titres pop-rocks divers et variés. Même si vous écoutez vous-même beaucoup de musique, cette liste vous a peut-être fait esquisser une grimace ("mais qui écoute les sons d'ambiance de Skyrim pour travailler ou plier son linge ? on est sur un blog de FADA ou bien !?"). 

 

 

Peu m'importe ; quels que soient vos goûts musicaux, vous tomberez bien d'accord sur le fait qu'avoir des bibliothèques audio de millions de titres dans la poche, instantanément accessibles à vos oreilles charnues, est une prouesse technologique incroyable. Vous pouvez littéralement invoquer n'importe quelle performance instrumentale et vocale, à volonté, là nos aïeux devaient se contenter des rares occasions d'assister à une véritable représentation (ouais, je m'extasie aussi de la capacité des vaches à transformer l'herbe en viande, et devant les 120 frames par seconde qu'exécutent les ordinateurs modernes, il m'en faut peu).

La musique, en roulant en voiture ? Indispensable. Pendant les tâches ménagères ? Vin dieu, ça rend la chose agréable quand on préférerait faire autre chose. En installant l'apéro sur la table, alors que les amis doivent arriver ? L’atmosphère est posée, le déjeuner va être un moment régalien.

Et en travaillant à votre bureau, alors ?

 

Ce billet m'a fait un petit peu mal au cœur à écrire. Mais c'est pour la bonne cause. Promis.

Il y a encore une ou deux années, je vous aurait dit qu'une playlist calme était un élément indispensable à mes journées de boulot. Maintenant, je n'en suis plus si sûre.

Dans ma quête de la recherche du bien-être, et d'une productivité durable au travail, la musique m'est toujours apparue comme une alliée. Ce bruit de fond, qui vous est familier, vous aide à vous sentir bien devant votre ordinateur, et vous accompagne pour accomplir vos tâches professionnelles, ou projets personnels. Il vous pousse lorsque la motivation vous manque ("bordel, encore 35 minutes avant la fin de la journée ! je claque un Bury The Light dans mon casque, pour résister à la tentation d'éclater la tête de mon collègue sur son clavier mécanique §§"), et j'oserais même dire que certains morceaux deviennent associés à certaines grandes périodes de votre vie lorsque vous les écoutez régulièrement, sur plusieurs semaines, ou mois.

Si vous vous amusez à chercher des conseils sur l'écoute de la musique comme outil de motivation, les résultats abondent. Il vous est souvent recommandé d'écouter des morceaux qui limitent toute distraction pendant un effort (plus ou moins) concentré. 

Une bonne playlist devrait être relativement calme, sans paroles, et surtout familière. Le point commun de ces conseils, c'est bien sûr limiter la prise de l'audio sur votre attention (je vous confirme qu'entendre Gwen Stefani qui hurle "IF I WAS A RICH GIRL, NANANANANANA-" nuit à ma concentration).

En résumé, à condition de ne pas se louper trop fort sur le contenu de sa playlist, avoir un fond audio, c'est forcément une bonne chose, non ?

"Mais qu'est-ce que tu nous bave, à la fin ?!" hurlerez-vous, tel un gobelin hystérique. "Si tu ne nous balances pas des bonnes recommandations de playlist, ça veut juste dire que tu nous fait une version low-cost des dizaines d'articles accessibles en front page de Google ? Tu avais juste la flemme de faire un billet inspiré ? AVOUE §§"

Le fait est, que quand j'ai cherché à améliorer le cours de mes journées de télétravail (et de mes week-ends), j'ai en premier lancé mes foudres sur l'organisation de mes tâches, et surtout, sur ce qui était à l'époque mon ennemi numéro un : les streams ("je lance une petite VOD de League of Legends sur le second écran ! cela n'aura aucun impact sur mon travail, je le jure, c'est juste pour faire un bruit de fond §§").

En effet, s'il vous parait régulièrement impossible de vous concentrer sur votre boulot, ou si vous avez l'impression que votre attention est plus fragmentée que celle d'un chaton sous crack lâché dans une serre à papillons, il semble naturel d'éliminer ces distractions évidentes que sont les vidéos et les sites communautaires. De ramener un peu de calme et de lenteur à votre quotidien.

Alors j'ai supprimé cette habitude de lancer un stream en fond à côté de mon travail, même si celui-ci semblait barbant. J'ai aussi rassemblé mes tâches en de gros blocs de concentration ininterrompus, et mis Discord sous sourdine pour ne pas être tentée de vérifier mes messages tous les quarts d'heure (fort heureusement, mon intérêt pour les mails et les réseaux sociaux n'a jamais été puissant, je n'ai donc jamais eu à réprimer l'envie irrépressible de m'y connecter).

Et malgré tout, je peinais souvent à me concentrer correctement. Résultat : le travail traîne en longueur, manque de profondeur. Je termine des journées pourtant bien remplies, avec un mal de crâne, et l'impression de faire du travail de motion insipide ou peu inspiré (vous avez le même ressenti ? Bienvenue, prenez une chaise ; c'est réversible).

Je commençais à me dire que mon métier n'est peut-être pas adapté pour moi (ou que je ne suis pas adaptée à mon métier ?). Que le motion et le design ne sont simplement pas des activités dans lesquelles je peux me concentrer à mon plein potentiel.

Pour moi, ces tâches ne sont parfois pas encore tout à fait "naturelles" au quotidien. J'adore ça, bien sûr, car j'essaie aujourd'hui d'en vivre professionnellement. Mais c'est une discipline qui est arrivée relativement tard dans ma vie, et que je n'ai pas l'habitude de pratiquer spontanément.

Contrairement à l'écriture.

 
Car cette elle qui fait en sorte que vous puissiez examiner mes divagations et mes élucubrations régulières. Ne me remerciez pas.

Écrire est naturel pour moi, comme être une énorme loque qui dort au soleil est naturel pour votre chat. Que ce soit pour déblatérer des propos aléatoires sur des articles qui n'ont aucun sens, narrer des nouvelles, ou pour envoyer des mails. J'étais cet élève insupportable qui rendait quatre copies doubles à la rédaction de français, alors qu'une seule était demandée. Je suis cette énergumène qui vous envoie des pavés sur Discord. 

Et vous savez ce qui se passe, quand je dois rédiger n'importe quel paragraphe de texte ?

Je coupe la musique.

C'est instantané. Si je veux me concentrer et transmettre un message beau et compréhensible, je baisse le volume à un niveau risible, ou directement à zéro. Peu importe le genre du morceau que j'écoutais. Je-coupe-la-musique.



Ce fait m'est revenu en mémoire une journée de travail où j'avais mal au crâne, même avec une playlist calme qui jouait en fond. J'ai dû rédiger un message quelconque à un client ("Non Monsieur, je ne vous recommande pas l'inclusion de deux énormes boobs symboliques dans votre logo d'entreprise, même si je trouve ça très drôle aussi Monsieur."). J'ai alors réalisé que quand je devais me concentrer pour écrire, et être investie dans ce que je fais, je coupe le son. 

Alors, histoire de ne pas mourir (trop) bête, j'ai arrêté d'écouter toute musique au cours de mes journées, pendant plusieurs jours d'affilée. 

Au début, j'ai eu l'impression de retrouver une ambiance monastique bizarre, comme si j'allais écrire ou que j'étais dans une bibliothèque (j'adore les bibliothèques ; mais je n'ai pas l'habitude de traiter mon bureau de télétravail comme l'une d'entre elle). 

Et finalement, je dois dire que l'essai est bluffant. Mon attention est moins fragmentée. Là où je m’arrêtais de temps en temps pour changer de piste, ou rêvasser une minute à l'écoute d'un morceau engageant, il n'y a plus que le calme et la concentration. Mes productions sont meilleures, plus qualitatives, et plus engageantes à réaliser. J'apprends mieux de mon travail et du travail des autres. Tout comme le fait de limiter l'accès aux réseaux sociaux ou aux informations télévisées, mon paysage mental est un peu plus calme, et cela m'a rendu du temps sur chaque journée pour faire ce que j'aime vraiment.

De plus, physiquement, cela me permet de me libérer du port constant du casque et de ces acouphènes légers des oreilles qui peuvent survenir après une journée entière d'écoute, même à volume faible. Après quelques semaines, il m'est désormais naturel de recherche un silence absolu quand je me concentre pour travailler. Et pas seulement pour écrire, mais pour tout mes travaux freelance, sans exception.

"Woah, Jacqueline. Tu essaies de nous faire passer comme conseil, qu'il faut purement et simplement abandonner l'habitude d'écouter de la musique en travaillant ? Tu ne veux pas qu'on brûle notre smartphone ou qu'on envoie des menaces à Spotify tant que tu y es ? J'écoute souvent de la musique, et ça me motive de fou ! Tu l'as toi-même dit plus haut."

Le conseil ici, n'est surtout PAS d'abandonner toute playlist au travail. Heck, je connais des proches pour qui la tâche est impossible, et dont le pseudo Discord est indissociable de l’icône Spotify, à longueur de journée.

La leçon, ici, est simplement de ne pas sous-estimer l'impact d'une bande-son sur la qualité de votre concentration, et sur vos niveaux de fatigue. Je pense que j'ai toujours considéré, à tort, qu'écouter de la musique était au mieux motivant, et au pire, totalement neutre sur mon attention. Je sais aujourd'hui que c'est faux. La musique me coûte toujours une fraction d'attention et d'énergie, aussi minimales soient-elle. Et je serais prête à parier que c'est le cas pour la majorité des gens qui exercent une profession intellectuelle (comprenez par là, toute activité demandant un niveau de concentration élevé, et sur une durée prolongée, pour produire les meilleurs résultats dont vous êtes capable).

Si vous réalisez des actions qui demandent peu de concentration, comme nettoyer une vitre ou vider votre dossier de spams, une ambiance musicale peut vous aider à rester sur la vague pour mener à bien vos efforts. 

En outre, au sein d'une entreprise ou même d'un foyer, votre environnement direct n'a pas toujours le bon goût d'être intégralement silencieux (les open-spaces, producteurs de gens distraits, bonjour). Dans ce cas, enfiler un casque avec une musique de fond vous aidera définitivement davantage que de devoir supporter Nicolas et Jean-Eudes, qui discutent du dérivé Z sur le dernier projet agile de votre team, à quatre mètres de vous.

Mais à partir du moment où votre mental doit être affuté, pour produire le summum de ce qu'est capable votre gros cerveau plein de neurones : donnez une chance au silence. Dédiez intégralement et sans réserve, votre esprit à la tâche en cours. Loin de la rendre ennuyeuse, je vous promet que vous aurez seulement tendance à être plus efficace et à mieux délimiter votre temps. Et avec l'habitude, faire un effort de concentration rimera avec une recherche instantanée de calme, qui vous rendra diablement productif dans toutes vos démarches de création.

Je m'accorde encore un petit plaisir musical au travail : c'est lorsque je complète un projet au meilleur de sa qualité, ou que je réussis la programmation d'un sujet particulièrement complexe sur mon jeu. Je lance alors, dans un instant d'enjaillement extrême, une musique à 120% de volume, que ce soit Dagothwave, Heayeayeayea, le thème de Skyrim, ou un morceau de KDA. Et je savoure d'autant plus le moment, que mes heures précédentes étaient silencieuses (je ne détaillerai pas de mes pas de danse ridicules ou de ma posture de célébration ; certaines techniques de productivité doivent rester... confidentielles).

Et bien sûr, les playlists tournent toujours à plein régime quand je conduis, que je fais le ménage, ou que je me relaxe en triant mes mails.

 

On a tous nos tracks honteux qu'on écoute à volume maximal quand personne n'est là. Je ne dirais rien, ne vous en faites pas.

Bien sûr, la musique est un élément relativement mineur (et apparemment innocent) dans l'océan de distractions qui coule autour de nous. Mais il est aujourd’hui acquis pour beaucoup de travailleurs, qu'avoir une bande-son pendant la concentration renforce votre productivité, lorsque vous avez des baisses de niveau d'attention. Je sais maintenant qu'il faut probablement nuancer le propos, pour beaucoup de personnes.

Portez-vous bien, et à la prochaine !

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