5 mai 2024

La confiance en soi : à la fois si proche, et si lointaine

Dimanche, 22h45. J'ai profité du repos dominical pour apprécier quatre heures de jeux vidéo. Après deux heures matinales passées à ré-arranger mon portfolio, puis trois à quatre heures de programmation GODOT pour implémenter les mouvements de combat de mes créatures ombreuses, il est temps de dégainer l'ordinateur portable, et de tapoter du texte pour le bien-aimé blog.

"Si seulement les journées duraient plus de 24 heures, je pourrais même me permettre de travailler sur la reprise de ma nouvelle fantastique. J'ai vraiment hâte de me pencher à nouveau sur son scénario."

Le twist misérable, c'est que ça fait maintenant presque deux ans et demi que je me dis ça.

Vous vous sentirez peut-être familier de ce sentiment inconfortable. Qui n'a pas un ou plusieurs projets ambitieux sous le coude, sur lesquels "on s'y mettra très bientôt, ce sera incroyable, oui oui t'inquiète frère ça arrive bientôt". Les jours, les semaines, les mois, et parfois les années s'enchaînent, et bizarrement, vous avez toujours une bonne excuse sous le coude pour ne pas engager les travaux.

"Non mais là ça passera pas cette semaine, j'ai un gros projet au taf les journées sont longues.", "Si je ne n'obtiens pas mes chaussures de flamenco en cuir de bœuf catalan et bénies par un prêtre espagnol, je ne serais jamais en mesure de commencer les cours de danse.", et autres "Je peux pas j'ai piscine, et tout de suite après je regarde le quart de final des spring playoffs LEC ! C'est au moins le 15ème match le plus important de la saison, sur une des quatre régions majeures existantes, tu te rends compte ! JE PEUX PAS LE RATER JE TE PROMET QUE C'EST IMPORTANT POUR MOI"

Et alors que le temps défile, votre conscience en a gros. Elle vous juge du coin sombre de la salle, fronçant ses gros sourcils velus. Elle est silencieuse, mais tout son être semble vous murmurer : "Et qu'en est-il de vos promesses de campagne, Monsieur le Président ?"

 

"Où sont les cours de boxe anglaise, Jean-Théodore ? Et ces nichoirs à oiseaux que tu avais promis de préparer pour le jardin, à la fin de l'été dernier ? ILS SONT OÙ, HEIN ?! OÙ EST-CE QU'ILS VONT FAIRE LEURS BÉBÉS MAINTENANT ?! MONSTRE §§§§"

 

Tout le monde a des projets dans la vie. Régulièrement, on émet des idées en l'air, on sait qu'on ne les assumera pas, et qu'absolument personne ne nous en tiendra rigueur ("BLC frère"). Mais parfois, certaines de ces résolutions nous tiennent réellement à cœur. Apprendre un hobby passionnant. Rencontrer des gens, démarrer un side-business pour le fun, ou pour se reconvertir un jour. Commencer une pratique sportive régulière. Réaliser une prouesse qui nous améliore en tant qu'humain, et qui nous fait du bien. Et pourtant, quelle que soit l'importance apparente du souhait, on ne se lance jamais. 

Si vous ne lisez pas de livres de développement personnel, laissez-moi vous confirmer un fait scientifique bien réel, rappelé dans nombre d'entre eux : quand il s'agit de différencier une tâche réellement en cours, et un projet en réserve, le cerveau humain est nul à crever. C'est peu ou prou la même chose dans votre esprit de primate en jean. Si une action en attente flotte dans votre paysage mental, votre attention y reviendra régulièrement, et vous sommera d'y faire quelque chose.

Un ouvrage qui le mentionne bien est le fameux Getting Things Done de David Allen, et sa méthode de suivi de tâches entièrement basée sur des listes (AKA "c'est sur une liste, ou ça n'existe pas"). Que l'on adhère ou pas à la stratégie du monsieur, je trouve difficile de contredire son postulat sur l'énergie et le stress que nous coûtent les tâches "inachevées" dans notre esprit.

Ajoutez à cette fatigue couvante, une salaison de honte et de culpabilité qui s'encroûte en nous, quand on ne fait pas de progrès dans ce projet qui nous tient à cœur. Et ce, même si vous avez dans le même temps solutionné la faim dans le monde à votre travail, ou que vous guérissez quotidiennement une brouette de chatons malades.

 

 
"Ces piles de créatures mignonnes ne suffisent plus à étouffer mes regrets de projets inachevés :("


Ces blocages, ou manœuvres d'évitement nazes, se produisent sur des sujets divers et variés, souvent en dehors de toute logique apparente. Je n'ai par exemple aucun problème à bloquer une soirée pour écrire des articles ou programmer. Mais me lancer dans la révision de ma nouvelle, woah, doucement, il me faudrait au moins... au moins...

Au moins quoi ? Une soirée parfaite, bénie de glaire divine ? L'inspiration d'une vie ? Une coupure de courant de deux semaines qui me renvoie à des soirées penchées sur du papier, à la lueur d'une bougie ?

 

 
Quel frère ce Glaphazor. Toujours les bons tuyaux.
 

Il est difficile de présumer de ce qui se passe dans la tête de mes milliards de collègues humains. Mais sans prendre trop de risques, je pense que la raison un peu sale qui provoque la majorité de nos blocages, c'est la peur. Consciente, ou inconsciente, directe ou travestie. La peur d'échouer d'une façon ou d'une autre. Face à nous, ou face aux autres. Parce qu'on a déjà essayé par le passé, et qu'on s'est vautrés (et c'est douloureux). Ou à l'inverse, parce que ce que l'on essaie de faire est totalement nouveau, et on a aucune idée à quoi s'attendre, si ce ne sont que les efforts ardus et les résultats médiocres propres aux débutants.

Cal Newport écrit, dans la conclusion de son ouvrage Deep work : "Il y a également un sentiment d'inconfort qui entoure tout effort pour produire le meilleur de ce que vous êtes capable de faire, car cela vous confronte à la possibilité que votre meilleure performance, n'est tout simplement pas (encore) assez bonne."

AKA, vous avez donné toute votre dévotion et votre concentration à une tâche. Le pinacle de vos capacités. Et les résultats sont nuls. Autant dire que cette performance résume à elle seule votre valeur en tant qu'humain, non ?

(non)

"Merci Micheline, on ne sait pas où tu veux en venir, mais c'est vraiment réconfortant comme article en tout cas. Il me manque seulement un petit verre d'eau de javel fraîche, et mes conditions de lecture seront parfaites."

S'il y avait un remède miracle pour solutionner toute hésitation ou manque de confiance en soi, on serait tous déjà au courant (c'est comme pour les rides et les taux de criminalité les enfants, ne vous faites pas avoir par les spots TV). Non à la place, c'est un chemin continu et (parfois) ardu vers un état d'esprit plus serein, qui vous permet de finalement franchir le pas, et de réellement agir sur les projets qui vous vont peur. Que ce soit en les initiant. Ou en les enterrant.

En attendant des revues de livre supplémentaires sur ce blog décadent, j'ai compilé ici une petite liste - pas piquée des hannetons - de réflexions sur la confiance en soi, qui m'ont personnellement beaucoup aidé à faire tous les projets que je mène depuis un moment maintenant, sans stress, et sans regrets.

 

On commence avec un parpaing métaphorique : la motivation ne précède jamais l'effort

Et ouais, désolée. Pas d'épiphanie créative incroyable à deux heures du matin, qui change votre carrière artistique à tout jamais. Pas de discours auto-dirigé miraculeux à réciter chaque matin. Pas de regard fier et inspiré vers le soleil levant de votre carrière passionnante, à l'aube de vos vingt-deux ans ("oh joie ! quel destin radieux d'ingénieur système m'attend !").

La motivation est sensée être le petit bois de votre discipline. Dans notre imagerie habituelle du travail, elle le précède, et vous pousse à l'effort pour arriver à vos résultats. C'est pratique, et bien agréable. Si vous êtes sensé travailler pour quelque chose qui en vaut le coup, PAF, une muse vient à votre rescousse et atténue la difficulté de l'effort.

Cela fonctionne de temps en temps, pour ranger sa chambre une fois par an, ou aller courir deux jours de suite. Mais la vérité, c'est que c'est une ressource trop faible, et trop faillible, pour toujours garantir un effort. Tout comme un oncle très sympathique, mais trop porté sur la boisson, on ne peut pas décemment s'appuyer dessus pour nous lancer au travers de projets difficiles ou effrayants. 

 

 
 
"Oui. Merci. Mais non."

Un bon livre qui explore ce thème est le surprenant Motivation Myth, de Jeff Haden. À première vue l'équivalent sectaire d'un livre de développement personnel, rempli de délicieuses fausses promesses et d'un style trop direct, il est en réalité armé d'un panel intéressant d'arguments contre la motivation miraculeuse. Il vous rappelle qu'au final, la seule option viable pour achever un projet, c'est de se lancer quelque soit son humeur et ses envies sur le moment, pour engranger des résultats. Ce seront CES avancement, qui vous apporteront fierté et motivation, et ils nourriront une boucle vertueuse pour continuer à progresser. En somme, il est plus fiable de traiter la motivation comme un bonus naturel et bienvenu. Mais jamais comme un pré-requis.


Dans la même veine, les créatures pensantes que nous sommes ont tendance à donner beaucoup trop d'importance à notre environnement direct, ou à l'alignement des planètes. Alors ont attend, car les conditions actuelles ne sont jamais assez bonnes pour travailler de façon idéale sur votre projet, évidemment.

Sachez que la situation parfaite pour démarrer un projet est bien souvent une licorne de votre psyché. Extrêmement attirante, complètement imaginaire, et même si elle existait réellement, elle serait au mieux un cheval surcoté (et elle disperserait des paillettes partout dans le salon, ça gave de fou très vite je vous le promet).

"Ah, ok ! Je suis actuellement à ma quatrième cure de désintox, j'ai un diabète avancé, mon couple va mal et j'ai 180 000 euros de dettes à la Banque de France, mais tu me dis que ça ne sert à rien d'attendre ? Je vais faire un enfant c'est PARTIIIIIIIIIiiii-"

Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Il y a effectivement des cas où vous lancer serait une idée catastrophique, pour vous ou pour quelqu'un d'autre. Ne soyez pas un gobelin égoïste. Mais il y des fois où il faut prendre un petit risque, financier, social, personnel, pour avancer. Démarrer cette start-up sans avoir la certitude qu'elle va être rentable à temps. Commencer à peindre sans avoir du matériel de fada, mais des gouaches simples et des toiles de brocante. Si vous prenez un risque, il "suffit" de préparer un plan de secours pour retomber sur vos pattes. Que ce soit pour amortir vos pertes économiques, ou les dégâts infligés à votre ego quand vos invités vous demanderont si "La jolie peinture dans le salon est de votre fille de quatre ans, c'est ça ? C'est si mignon leurs gribouillages à cet âge-là.".

Si vous attendez indéfiniment, vous n'engrangerez aucune expérience, que ce soit des leçons liées aux victoires, comme celles amenées par les (inévitables) échecs sur votre route. Vous laisserez votre ressenti, vos émotions, votre fatigue passagère, dicter ce que vous pouvez faire ou non. Comme le cite Rick (de Rick et Morty, merci Captain Obvious), vous laisserez l'univers vous porter sur son flux d'atomes jusqu'à ce qu'il vous rejette dans le fossé, alors que dans le même temps, d'autres auront provoqué leur chance, même si leurs conditions de départ ne semblaient pas immaculées.

Le personnage de Rick est d'ailleurs à l'origine d'une autre scène qui me revient souvent en tête, à chaque fois que je commence à pinailler avec moi-même pour savoir si je dois faire quelque chose MAINTENANT, ou attendre un peu "pour voir, c'est pas urgent après tout".


Si vos excuses ne tiennent pas la route pour expliquer pourquoi vous devriez attendre quelques jours de plus, plutôt que de commencer maintenant, c'est qu'il est temps de mettre son incertitude de côté, et d'agir. Je n'ai connaissance d'aucune licorne disponible pour vous aider.


Adopter cet état d'esprit de travail régulier, contre vents et marées, quelle que soit votre humeur ou les conditions du jour, c'est la définition même de la discipline. Lorsque vous vous accoutumez à cette habitude, vous apprenez progressivement à vous connaître, et vous savez que vos pensées et votre énergie à un instant donné ne reflètent pas vos vraies capacités. 

On a tous été poussés dans des situations inconfortables, où malgré la fatigue, il a fallu aller passer 4h30 aux urgences parce que votre neveu s'est ouvert le front en sautant du lit (on lui avait pourtant dit que le high flip 275° retourné depuis le matelas était une technique interdite). Il a fallu tenir jusqu'au bout de la nuit pour ne pas laisser un pote ivre revenir seul chez lui, ou être bloqué au travail en fin de journée, avec un problème urgent et exceptionnel à régler.

Et je ne parle que de cas qui sont finalement "bénins". On peut citer les gens qui perdent tout en une journée à cause d'une inondation, d'un décès soudain dans la famille proche ou d'une insécurité grave quand on habite dans un pays moins développé. Ce que je veux dire par là, c'est que même si le début a été pénible, peu engageant, brouillon, vous avez passé outre cette résistance initiale, et vous avez produit quelque chose. Progressé. Accompli un peu de votre objectif, même si ce n'était pas de la façon la plus idéale qui existe. "Vous ratez 100% des tirs que vous n'essayez pas de marquer.", comme dit le proverbe anglophone un peu cheesy.

Ce conseil est toujours un peu délicat à donner, parce qu’on a tous des vies différentes, qui vont de "j'ai le cul bordé de nouilles et une cuillère en argent dans la bouche, la pire contrariété de ma journée a été une moto un peu bruyante qui est passée dans le quartier", à, "malgré mes meilleurs efforts j'ai deux proches et mon chat qui sont décédés en deux mois, une autoroute se construit à 400m de la maison que j'ai acheté il y a un an, et j'ai des douleurs perpétuelles à cause d'un hernie".

Alors, quand vous êtes dans le second cas, vous serez bien tenté de me jeter des petits cailloux contondants au milieu de la place publique.

"Tu es gentille Micheline avec tes conseils de développement personnel de bobo, mais quand ta vie c'est de la merde perpétuelle, tu les trouves où, tes fragments de discipline pour commencer tes projets ? Si je cumule deux tafs dans la journée, j'ignore ma fatigue à 23h pour composer de la musique, avec les logiciels que je n'ai pas, car j'ai déjà pas assez de thunes pour manger ? Tu crois vraiment à ce que tu dis, là ?"

Je pourrais peut-être essayer de me battre avec vous. Commencer à présenter le fait que, non, personne ne part d'un pied d'égalité dans la vie, et certains d'entre nous tombent sous le coup d'évènements incroyablement chanceux ou malchanceux. Je pense que ce billet commencerai rapidement à ressembler à une retranscription d'une séance de l'Assemblée Nationale, et qu'il me faudrait m'inscrire à l'Université de Lettres la plus proche pour me former professionnellement à la philosophie. Trente années plus tard, nous serions toujours en train d'argumenter, comme des golems calcifiés en haut d'une montagne, dignes d'être peints avec un caractère épique dans notre débat social perpétuel.


Alors à la place, je vais vous poser cette question (un peu bâtarde, dans le sens presque médiéval du terme).

Si vous ne le faites pas, qui va le faire pour vous ?

Vous pouvez être fils de milliardaire, comme clochard au fin fond d'un pays en proie à la famine. Vous pouvez être en parfaite santé, ou être handicapé par l'une des dizaines de maladies chroniques immondes qu'on peut se voir infliger au cours de la vie. On peut maudire le destin, blâmer les autres, être dégouté des injustices. On peut hurler son désespoir au monde sous le claire de lune, et se lamenter auprès d'oreilles attentives (ça fait du bien ! il faut le faire de temps en temps, quelle que soit la gravité de ses problèmes, c'est important). 

Mais, en sachant tout cela, et aussi ignoble que cette question paraisse, je vais la répéter : qui va prendre les petites actions nécessaires à la complétion de vos rêves, si vous ne le faites pas vous-même ? Si vous ne croyez pas en vous ?

Il y a des jours avec, et des jours sans. Mais le fait de faire de votre mieux, et d'outrepasser un inconfort ou un manque de volonté initial, est extrêmement précieux pour vos projets. Car les jours où vous vous sentirez bien, damn, vous allez foncer, et surfer sur tous vos résultats accumulés au fil du temps.


Si vous en avez la capacité, et selon la nature de votre projet, il est important d'être le plus régulier possible dans son avancement. Le mieux, et de loin, est d'y dédier du temps chaque jour. Avoir une habitude quotidienne aide à sa mise en place initiale, et à l'application de cette discipline que j'ai mentionné précédemment. Si vous pratiquez d'un instrument à heure fixe, vous n'avez pas besoin de vous demander quelle est la marche à suivre, ou si vous en avez vraiment envie. Vous commencez, c'est tout. Pareil pour le sport. De nombreuses activités (musicales, logiques, sportives) vous rapporteront bien plus de bénéfices avec une répétition quotidienne modeste, qu'avec un gros bloc ponctuel jeté ici ou là.

Une astuce simple pour respecter ses engagements, c'est de démarrer la session quotidienne avec l'action la plus simple que vous pouvez imaginer. "Enfiler ses vêtements de jogging et ses chaussures", "sortir la partition et prendre en main l'instrument", "couper les distractions et s'installer au bureau avec le carnet". Vous n'avez plus envie de continuer ? Rangez tout et retournez asseoir votre séant devant un stream. Mais, spoiler, une fois la première action engagée, il est d'un seul coup plus facile de poursuivre sa tâche et de faire avancer vos objectifs.

Préparer à l'avance un planning cohérent est d'ailleurs clé dans le lancement d'un hobby ou d'une habitude de travail. Non seulement cela vous force à prévoir son implémentation, réelle (cette dernière a un effet scientifiquement prouvé sur l'application d'une routine : les gens qui prévoient une date, une heure et une action sont beaucoup plus susceptibles de respecter leurs objectifs que ceux qui ne font rien de plus qu'une déclaration vague). Mais cela vous permet aussi de voir si votre projet est seulement compatible avec votre emploi du temps réel.

Il n'est pas question de remplir ses journées à la ras-le-gosier d'activités audacieuses. Non seulement nos capacités de concentration profondes sont limitées chaque jour (entre 3 et 4h maximales d'attention extrême, pour les adultes les plus entrainés, "The Role of Deliberate Practice in the Aquisition of Expert Performance", Anders Ericsson, 1993), mais en plus, vous avez besoin de périodes de récupération nécessitant peu ou prou de réflexion, pour recharger vos batteries. Faire des choses qui sont profondément satisfaisantes et exigeantes, c'est malheureusement être obligé de limiter le nombre de sujets différents qu'on approfondit. Et parfois, quand on aligne tous nos projets les uns à la suite des autres dans l'agenda, on se rend compte qu'il va falloir faire des choix, pour prendre soin de notre santé mentale, et physique.


 
Quand je suis tentée de faire quatre trucs ambitieux par jour, je me rappelle de ce meme. Je souris comme une débilus, mais au moins, j'arrête de planifier n'importe quoi.


Je vous ai dit qu'il était souvent difficile de faire le premier pas pour commencer un projet. Le meilleur est pour la suite, car n'oublions pas que quand on construit quelque chose au long terme, c'est ironiquement le début qui est toujours difficile. Les premières heures seront peut-être teintées de rose sous l'effet de la nouveauté et de la progression initiale rapide. Mais presque invariablement, alors que notre niveau d'avancement ou de compétence grandissent, la vitesse d'amélioration ralentit, et notre envie de progresser commence à se casser la gueule sur la route pavée des bonnes intentions (bah ouais, on se le rappelle jamais que les pavés ça fait des routes durables, mais ça fait hyper mal quand on tombe dessus).

C'est un thème exploré dans Atomic Habits de James Clear (la première revue de livre sur ce blog, zOMG). Cette période difficile, de durée variable selon le sujet traité, est un moment où vous n'êtes pas encore au stade de progression que vous pensiez atteindre. Vous êtes invisible au jugement de votre esprit. Voire, certains jours, vous avez l'impression de régresser et de cogner votre tête dans un mur (une activité au principe somme toute suspicieux).

Les résultats s'accumulent toujours au fur et à mesure que vous dédiez de l'énergie à vos projets, même de façon discrète. C'est l'addition de chaque session, l'une après l'autre, qui s'amoncelle en la marche qui vous permettra d'un coup d'atteindre un niveau sans précédent. Il n'y a pas 36 milles façons de persévérer au travers de ce fossé déprimant: il faut se concentrer sur votre routine d'entraînement et de travail, s'aveugler du reste. Et croire en soi, car vous êtes la seule personne essentielle à la la complétion de vos envies.

 


 
Vous aurez peut-être besoin d'aide pour démarrer.

Monsieur Georges Lucas lui-même, qui est un véritable générateur humains de citations motivationnelles, vous rappelle que quand il s'agit d'un rêve à soi : "Vous avez seulement besoin de mettre un pied devant l'autre, et de continuer vers l'avant. Mettez des œillères et tracez votre sillon sans férir."

 

Ouais, chevalesque. Ne me bavez pas sur les rouleaux, ou ça va rapidement se transformer en "équidé du cul".

 

Le plus réel dans cette citation, ce sont les œillères. Aujourd'hui, on nage dans un océan d'informations, de nouvelles, de tweets, de stories. Le déjeuner de midi n'est pas encore passé, que la plupart des gens que vous suivez on couru un semi-marathon (et ils ont l'air frais à la fin, ces fils de tatous), lancé avec succès une marque locale de torréfaction de grains de café bio, et ils ont sorti en solo dev un jeu qui les a rendu millionnaire.

Même quand c'est à propos d'un hobby qui ne vous rapport pas d'argent, il est trop facile d'être écrasé par le succès des autres. Les pages internet que publient les autres ont cet avantage d'être dénuées de crasse (pour la plupart), et de rendre invisibles les innombrables échecs que rencontre n'importe qui dans la poursuite d'un objectif. Les défaites sont inévitables, et invariables. Votre seule arme, c'est de répéter vos efforts, de progresser, d'apprendre, et surtout, de faire ce qui fait du sens pour vous. 

Rester indécis à propos d'un souhait, que l'on ose pas réaliser, c'est avoir le cul entre deux chaises métaphoriques. Et tout comme vous asseoir entre deux sièges dans la vraie vie vous inflige un inconfort croissant, je pense que ne pas être en paix avec ses propres ambitions, dégrade inutilement votre confiance en vous.

Un autre argument particulièrement plaisant pour vous aider à dépasser vos a priori, c'est qu'au final, la majorité des gens s'en foutent de vos échecs. Vous seriez surpris du peu de considérations qu'un humain donne à ses pairs, de façon générale. Et pas forcément dans le mauvais sens du terme. 

Mais ce qui peut vous sembler honteux et catastrophique pour vous, sera juste un vague souvenir ou une anecdote pour d'autres. Et franchement, les personnes empathiques et bienveillantes sont souvent promptes à comprendre un échec et à le relativiser (et les vrais sauront que la seule raison pour laquelle vous avez échoué, c'est que vous êtes justement sur la voie de la progression et du travail). 

 


J'ai cité des ouvrages dans cet article. Il existe des milliers de livres de développement personnel qui traitent de la motivation, plus ou moins bons - plus ou moins scientifiques. Sans parler des centaines d'études comportementales sur le sujet. Je vous conseille de prendre connaissance des meilleurs, bien sûr, si vous êtes un lecteur avisé. 

Mais pour terminer cet article, je souhaiterai répéter ici, la meilleure définition de la confiance en soi, que j'ai entendu depuis des années. 

Ni plus ni moins prononcée par un mec en train de subir l'ingestion d'une sauce piquante à 1,5M sur l'échelle de Scoville, dans l'émission Hot Ones : Monsieur Alexandre Astier (le fait que le propos soit spontané ou préparé, je m'en contrefous, bien que j'ai toute confiance en cet auteur pour sortir cette phrase entièrement naturellement).

"Si vous n'avez pas confiance en vous, c'est la seule chose qui vous fait descendre.

 La seule chose qui diffère, souvent, des gens qui font, de ceux qui ne font pas, c'est juste une impression de légitimité, quant au fait de faire. La confiance en soi, ça veut dire, j'ai la position de quelqu'un qui fabrique, que ce soit bon ou que ce soit pas bon - ça me regarde pas que les gens aiment ou qu'ils n'aiment pas. 

Je dois faire ce que je dois faire. Je dois le faire avec tout ce que je peux y mettre. Je dois le faire en ne ménageant pas mes efforts. Je dois faire du mieux que je suis, du mieux que je puis. Mais si je fais du mieux que je puis, et si ça vous va pas, c'est pas grave. Si vous n'aimez pas, ne regardez pas ce que je fais, c'est tout."

Tout est dit. Il n'y a rien de plus, et ces quelques lignes résument invariablement l'état d'esprit de ceux qui font avancer délibérément, et activement leurs projets. Lorsque ce message se distille assez longtemps dans votre esprit pour atteindre votre inconscient, il est d'un pouvoir libérateur plus puissant que tout démonstration scientifique, ou sermon d'un proche (qui, dans la salle, a déjà "fait un effort" parce que quelqu'un nous l'a demandé d'un ton moralisateur ? Personne, je crois).

 


Savoir comment on exécute un plan, c'est bien. Mais comment on choisit la vocation, le hobby, ou le projet off-side dans lequel on a le plus de chances de s'épanouir ? Et comment on équilibre chaque journée pour ne pas terminer en état de carcasse épuisée, au bout de quelques mois ? Des sujets importants et vastes, que j'essaierai de tacler dans d'autres articles !


J'ai cité la méthode GTD un peu plus tôt, et je pense pertinent de rappeler les réponses simples apportées par Monsieur Allen dans son livre. On peut garder des idées lointaines dans une liste "À faire un jour". On peut rêvasser indéfiniment sur ses envies, au lieu de les commencer pour de bon. Mais les deux seules solutions pérennes pour faire la paix avec elles, c'est soit de les abandonner et d'en faire le deuil. Soit de entamer, ici et maintenant, un plan d'action, avec une date, et une heure, à laquelle se mettre au travail.

Alors, VOGUEZ, FIÈRES CRÉATURES. ACCOMPLISSEZ VOTRE DESTINÉE DE PRIMATE SUR UN ROCHER FLOTTANT DANS LE VIDE INTER-GALACTIQUE, DANS UN UNIVERS CONDAMNÉ À UN JOUR IMPLOSER SOUS SON PROPRE POIDS. MÊME SI C'EST JUSTE POUR APPRENDRE À FAIRE DES MACARONS ACCEPTABLES, OU À ENTRETENIR DES ORCHIDÉES EXOTIQUES DANS VOTRE SALON.

Je n'ai qu'un seul mot de fin envisageable pour ce billet -  sponsorisé par Monsieur LaBeouf TM :




15 avr. 2024

Écouter de la musique pendant le travail : la fausse bonne idée ?

Salutations, voyageur !

À l'heure où je tape ce titre alléchant sur mon clavier, avec mes gros doigts vigoureux, une partie sombre de mon cerveau hurle au scandale. "Elle ne sait pas ce qu'elle dit, elle a perdu la raison depuis qu'elle consomme du fenouil frais ! VOTRE HONNEUR JE VOUS EN SUPPLIE ARRÊTEZ-LA §§§"

J'imagine que tout le monde a un rapport différent à la musique. Je le pense vraiment, car nous avons tous des sensibilités différentes aux rythmes, et surtout, aux genres. Mes playlists sont composées à part égales de bandes-son de jeu vidéo, de chillwave (synthwave, EDM et lowfi), ainsi que de titres pop-rocks divers et variés. Même si vous écoutez vous-même beaucoup de musique, cette liste vous a peut-être fait esquisser une grimace ("mais qui écoute les sons d'ambiance de Skyrim pour travailler ou plier son linge ? on est sur un blog de FADA ou bien !?"). 

 

 

Peu m'importe ; quels que soient vos goûts musicaux, vous tomberez bien d'accord sur le fait qu'avoir des bibliothèques audio de millions de titres dans la poche, instantanément accessibles à vos oreilles charnues, est une prouesse technologique incroyable. Vous pouvez littéralement invoquer n'importe quelle performance instrumentale et vocale, à volonté, là nos aïeux devaient se contenter des rares occasions d'assister à une véritable représentation (ouais, je m'extasie aussi de la capacité des vaches à transformer l'herbe en viande, et devant les 120 frames par seconde qu'exécutent les ordinateurs modernes, il m'en faut peu).

La musique, en roulant en voiture ? Indispensable. Pendant les tâches ménagères ? Vin dieu, ça rend la chose agréable quand on préférerait faire autre chose. En installant l'apéro sur la table, alors que les amis doivent arriver ? L’atmosphère est posée, le déjeuner va être un moment régalien.

Et en travaillant à votre bureau, alors ?

 

Ce billet m'a fait un petit peu mal au cœur à écrire. Mais c'est pour la bonne cause. Promis.

Il y a encore une ou deux années, je vous aurait dit qu'une playlist calme était un élément indispensable à mes journées de boulot. Maintenant, je n'en suis plus si sûre.

Dans ma quête de la recherche du bien-être, et d'une productivité durable au travail, la musique m'est toujours apparue comme une alliée. Ce bruit de fond, qui vous est familier, vous aide à vous sentir bien devant votre ordinateur, et vous accompagne pour accomplir vos tâches professionnelles, ou projets personnels. Il vous pousse lorsque la motivation vous manque ("bordel, encore 35 minutes avant la fin de la journée ! je claque un Bury The Light dans mon casque, pour résister à la tentation d'éclater la tête de mon collègue sur son clavier mécanique §§"), et j'oserais même dire que certains morceaux deviennent associés à certaines grandes périodes de votre vie lorsque vous les écoutez régulièrement, sur plusieurs semaines, ou mois.

Si vous vous amusez à chercher des conseils sur l'écoute de la musique comme outil de motivation, les résultats abondent. Il vous est souvent recommandé d'écouter des morceaux qui limitent toute distraction pendant un effort (plus ou moins) concentré. 

Une bonne playlist devrait être relativement calme, sans paroles, et surtout familière. Le point commun de ces conseils, c'est bien sûr limiter la prise de l'audio sur votre attention (je vous confirme qu'entendre Gwen Stefani qui hurle "IF I WAS A RICH GIRL, NANANANANANA-" nuit à ma concentration).

En résumé, à condition de ne pas se louper trop fort sur le contenu de sa playlist, avoir un fond audio, c'est forcément une bonne chose, non ?

"Mais qu'est-ce que tu nous bave, à la fin ?!" hurlerez-vous, tel un gobelin hystérique. "Si tu ne nous balances pas des bonnes recommandations de playlist, ça veut juste dire que tu nous fait une version low-cost des dizaines d'articles accessibles en front page de Google ? Tu avais juste la flemme de faire un billet inspiré ? AVOUE §§"

Le fait est, que quand j'ai cherché à améliorer le cours de mes journées de télétravail (et de mes week-ends), j'ai en premier lancé mes foudres sur l'organisation de mes tâches, et surtout, sur ce qui était à l'époque mon ennemi numéro un : les streams ("je lance une petite VOD de League of Legends sur le second écran ! cela n'aura aucun impact sur mon travail, je le jure, c'est juste pour faire un bruit de fond §§").

En effet, s'il vous parait régulièrement impossible de vous concentrer sur votre boulot, ou si vous avez l'impression que votre attention est plus fragmentée que celle d'un chaton sous crack lâché dans une serre à papillons, il semble naturel d'éliminer ces distractions évidentes que sont les vidéos et les sites communautaires. De ramener un peu de calme et de lenteur à votre quotidien.

Alors j'ai supprimé cette habitude de lancer un stream en fond à côté de mon travail, même si celui-ci semblait barbant. J'ai aussi rassemblé mes tâches en de gros blocs de concentration ininterrompus, et mis Discord sous sourdine pour ne pas être tentée de vérifier mes messages tous les quarts d'heure (fort heureusement, mon intérêt pour les mails et les réseaux sociaux n'a jamais été puissant, je n'ai donc jamais eu à réprimer l'envie irrépressible de m'y connecter).

Et malgré tout, je peinais souvent à me concentrer correctement. Résultat : le travail traîne en longueur, manque de profondeur. Je termine des journées pourtant bien remplies, avec un mal de crâne, et l'impression de faire du travail de motion insipide ou peu inspiré (vous avez le même ressenti ? Bienvenue, prenez une chaise ; c'est réversible).

Je commençais à me dire que mon métier n'est peut-être pas adapté pour moi (ou que je ne suis pas adaptée à mon métier ?). Que le motion et le design ne sont simplement pas des activités dans lesquelles je peux me concentrer à mon plein potentiel.

Pour moi, ces tâches ne sont parfois pas encore tout à fait "naturelles" au quotidien. J'adore ça, bien sûr, car j'essaie aujourd'hui d'en vivre professionnellement. Mais c'est une discipline qui est arrivée relativement tard dans ma vie, et que je n'ai pas l'habitude de pratiquer spontanément.

Contrairement à l'écriture.

 
Car cette elle qui fait en sorte que vous puissiez examiner mes divagations et mes élucubrations régulières. Ne me remerciez pas.

Écrire est naturel pour moi, comme être une énorme loque qui dort au soleil est naturel pour votre chat. Que ce soit pour déblatérer des propos aléatoires sur des articles qui n'ont aucun sens, narrer des nouvelles, ou pour envoyer des mails. J'étais cet élève insupportable qui rendait quatre copies doubles à la rédaction de français, alors qu'une seule était demandée. Je suis cette énergumène qui vous envoie des pavés sur Discord. 

Et vous savez ce qui se passe, quand je dois rédiger n'importe quel paragraphe de texte ?

Je coupe la musique.

C'est instantané. Si je veux me concentrer et transmettre un message beau et compréhensible, je baisse le volume à un niveau risible, ou directement à zéro. Peu importe le genre du morceau que j'écoutais. Je-coupe-la-musique.



Ce fait m'est revenu en mémoire une journée de travail où j'avais mal au crâne, même avec une playlist calme qui jouait en fond. J'ai dû rédiger un message quelconque à un client ("Non Monsieur, je ne vous recommande pas l'inclusion de deux énormes boobs symboliques dans votre logo d'entreprise, même si je trouve ça très drôle aussi Monsieur."). J'ai alors réalisé que quand je devais me concentrer pour écrire, et être investie dans ce que je fais, je coupe le son. 

Alors, histoire de ne pas mourir (trop) bête, j'ai arrêté d'écouter toute musique au cours de mes journées, pendant plusieurs jours d'affilée. 

Au début, j'ai eu l'impression de retrouver une ambiance monastique bizarre, comme si j'allais écrire ou que j'étais dans une bibliothèque (j'adore les bibliothèques ; mais je n'ai pas l'habitude de traiter mon bureau de télétravail comme l'une d'entre elle). 

Et finalement, je dois dire que l'essai est bluffant. Mon attention est moins fragmentée. Là où je m’arrêtais de temps en temps pour changer de piste, ou rêvasser une minute à l'écoute d'un morceau engageant, il n'y a plus que le calme et la concentration. Mes productions sont meilleures, plus qualitatives, et plus engageantes à réaliser. J'apprends mieux de mon travail et du travail des autres. Tout comme le fait de limiter l'accès aux réseaux sociaux ou aux informations télévisées, mon paysage mental est un peu plus calme, et cela m'a rendu du temps sur chaque journée pour faire ce que j'aime vraiment.

De plus, physiquement, cela me permet de me libérer du port constant du casque et de ces acouphènes légers des oreilles qui peuvent survenir après une journée entière d'écoute, même à volume faible. Après quelques semaines, il m'est désormais naturel de recherche un silence absolu quand je me concentre pour travailler. Et pas seulement pour écrire, mais pour tout mes travaux freelance, sans exception.

"Woah, Jacqueline. Tu essaies de nous faire passer comme conseil, qu'il faut purement et simplement abandonner l'habitude d'écouter de la musique en travaillant ? Tu ne veux pas qu'on brûle notre smartphone ou qu'on envoie des menaces à Spotify tant que tu y es ? J'écoute souvent de la musique, et ça me motive de fou ! Tu l'as toi-même dit plus haut."

Le conseil ici, n'est surtout PAS d'abandonner toute playlist au travail. Heck, je connais des proches pour qui la tâche est impossible, et dont le pseudo Discord est indissociable de l’icône Spotify, à longueur de journée.

La leçon, ici, est simplement de ne pas sous-estimer l'impact d'une bande-son sur la qualité de votre concentration, et sur vos niveaux de fatigue. Je pense que j'ai toujours considéré, à tort, qu'écouter de la musique était au mieux motivant, et au pire, totalement neutre sur mon attention. Je sais aujourd'hui que c'est faux. La musique me coûte toujours une fraction d'attention et d'énergie, aussi minimales soient-elle. Et je serais prête à parier que c'est le cas pour la majorité des gens qui exercent une profession intellectuelle (comprenez par là, toute activité demandant un niveau de concentration élevé, et sur une durée prolongée, pour produire les meilleurs résultats dont vous êtes capable).

Si vous réalisez des actions qui demandent peu de concentration, comme nettoyer une vitre ou vider votre dossier de spams, une ambiance musicale peut vous aider à rester sur la vague pour mener à bien vos efforts. 

En outre, au sein d'une entreprise ou même d'un foyer, votre environnement direct n'a pas toujours le bon goût d'être intégralement silencieux (les open-spaces, producteurs de gens distraits, bonjour). Dans ce cas, enfiler un casque avec une musique de fond vous aidera définitivement davantage que de devoir supporter Nicolas et Jean-Eudes, qui discutent du dérivé Z sur le dernier projet agile de votre team, à quatre mètres de vous.

Mais à partir du moment où votre mental doit être affuté, pour produire le summum de ce qu'est capable votre gros cerveau plein de neurones : donnez une chance au silence. Dédiez intégralement et sans réserve, votre esprit à la tâche en cours. Loin de la rendre ennuyeuse, je vous promet que vous aurez seulement tendance à être plus efficace et à mieux délimiter votre temps. Et avec l'habitude, faire un effort de concentration rimera avec une recherche instantanée de calme, qui vous rendra diablement productif dans toutes vos démarches de création.

Je m'accorde encore un petit plaisir musical au travail : c'est lorsque je complète un projet au meilleur de sa qualité, ou que je réussis la programmation d'un sujet particulièrement complexe sur mon jeu. Je lance alors, dans un instant d'enjaillement extrême, une musique à 120% de volume, que ce soit Dagothwave, Heayeayeayea, le thème de Skyrim, ou un morceau de KDA. Et je savoure d'autant plus le moment, que mes heures précédentes étaient silencieuses (je ne détaillerai pas de mes pas de danse ridicules ou de ma posture de célébration ; certaines techniques de productivité doivent rester... confidentielles).

Et bien sûr, les playlists tournent toujours à plein régime quand je conduis, que je fais le ménage, ou que je me relaxe en triant mes mails.

 

On a tous nos tracks honteux qu'on écoute à volume maximal quand personne n'est là. Je ne dirais rien, ne vous en faites pas.

Bien sûr, la musique est un élément relativement mineur (et apparemment innocent) dans l'océan de distractions qui coule autour de nous. Mais il est aujourd’hui acquis pour beaucoup de travailleurs, qu'avoir une bande-son pendant la concentration renforce votre productivité, lorsque vous avez des baisses de niveau d'attention. Je sais maintenant qu'il faut probablement nuancer le propos, pour beaucoup de personnes.

Portez-vous bien, et à la prochaine !

9 avr. 2024

Game dev #01: he protecc, he attacc, but most importantly he shouldn't dive in enemies groups like an idiot

Salutations, voyageur !

"Je rêve de coder un RPG maison." pense-t-elle, son imposant postérieur vissé dans son siège de bureau effiloché. "Un jeu où on gère des villageois procéduraux, et on leur confie des tâches pour que tout soit autonome et satisfaisant, et on pourrait aussi développer des relations avec ceux qu'on aime bien."

Et la malotrue décide, tout naturellement, de commencer par le combat. LE COMBAT. Avec une logique pareille, je pourrais être à deux doigts de commander un plat asiatique en me targuant d'apprendre le mandarin, ou de lécher des blocs de sel pour progresser en sculpture de pierre.

Les raisons qui m'ont motivée à commencer cette aventure de programmation par la bagar, sont doubles.

Premièrement, n'étant pas à mon premier petit projet de dev, je savais qu'il me fallait changer de stratégie de travail pour tenir sur la durée. Dés le début de ce développement, j'avais commencé à coder une génération de carte procédurale, avec rivière et biomes, et à y mapper les bons meshs et les bonnes textures. Avant de me perdre en effusion d'efforts, pour afficher de sombres modèles de pissenlit, en affichant ou cachant la floraison à l'aide d'un shader fait-main.

 
 De l'herbe que l'on écrase, et de l'eau qu'on remue. N'êtes-vous pas immensément divertis ?

C'est au milieu d'une bataille éprouvante avec les pétales d'une plante, que j'ai lâché mon clavier, pour réfléchir quelques minutes à ce que je faisais. J'étais encore en train de tout mélanger, code, game design, idées hasardeuses et création artistique, et d’essouffler mon envie de continuer sur le projet aussi rapidement qu'un rat éclate un pain au sésame frais, laissé dans la poubelle dehors.

"ARET" me suis-je dis, avec une voix digne de Kermit la grenouille. Cette fois-ci, construit un vrai prototype. Fais un vrai jeu, avec des visuels poubelles, des cubes gris et des indications visuelles minimales pour développer petit à petit un projet qui fonctionne, sans graphismes. Ce n'est pas faute de trouver ce conseil de protoyping à la première page de n'importe quel forum, ou tutoriel de développement de jeu vidéo.

Et je dois dire que la technique fonctionne diablement bien. J'ai repris le projet, en le mettant à nu, et en me concentrant exclusivement sur le code. Cela me permet maintenant de gérer au poil les mécaniques, le feeling et le game design des systèmes. Sans parler de la clarté du code, que j'ai pu factoriser et nettoyer en classes proprement héritées pour éviter tout redondance.


Mon arborescence actuelle de classe pour permettre une programmation propre, et qui ne se répète jamais entre les différentes entités du jeu. Ouais, je sais, je flex sur un principe de base de la programmation orientée objet. Je travaille en GdScript, alors ce n'est pas ici que vous trouverez le moindre soupçon de honte MOUHAHAHA-

Godot, comme tout langage orienté objet, encourage le développement de systèmes de jeu les plus indépendants et autonomes possibles entre eux. Et quel meilleur exemple, comme mécanique indépendante, que le combat ? Mes créatures sont sur la carte. Peuvent-elles se battre ? Oui, non ? Dans tous les cas, une fois les hostilités passées, ce qu'elles feront de leur temps n'aura plus rien à voir avec ce pan de gameplay.

 

 
Une caméra, un personnage-joueur, ou des ennemis qui s'initialisent correctement, et indépendamment de la scène où ils sont instanciés. Je jurerai que ce genre de plaisir de psychopathe est l'un de mes moteurs pour coder ce jeu.

 

La seconde raison qui m'a motivée à commencer par les mécaniques de combat, c'est qu'elles doivent rester simples. Et par doivent, j'entends qu'elles doivent se faire violence pour rester accessibles et engageantes. Dans les jeux vidéos, j'aime mes batailles comme je souhaiterai que soient mes déclarations d’impôts: intuitives et satisfaisantes. 

 

 
En tout cas, je maîtrise la chasse au barroth alpha beaucoup mieux que mon espace URSSAF.

Je n'aurais pas peur de rendre les premiers combats de Lampyre extrêmement simples à engager, et très plaisants à voir se dérouler, pour en augmenter la difficulté plus tard dans la partie ou la campagne (j'ai déjà les 10 premières minutes de jeu parfaitement planifiées ! zOMG ! mais je vous les présenterai dans un article futur, une fois que le concept de corruption émergera dans le code). 

C'est aussi pour cela que j'ai choisi un gameplay d'auto-attacker (comprenez, pour les francophones les plus retords, d'attaque automatique). Si ce mode d'attaque bride une partie de l'expression de skill du joueur, il est tout de même très adapté à l'élaboration de builds procéduraux, et à la présence de personnages non-joueurs alliés autour de votre protagoniste. 

 

De gauche à droite, et de haut en bas : Vampire Survivor, Brotato ou Deep Rock Galactic: Survivor, qui vous invitent à accumuler les modifications pour tondre des pelletés de monstres par attaques automatiques. Et Dragon Age Inquisition, Final Fantasy 12 et Dragon's Dogma 2, qui ajoutent des compagnons d'arme contrôlés par l'ordinateur à votre équipe. Et si on ajoutait un peu de construction et de gestion de villageois à votre panier, madame ?


En outre, ce système d'auto-attaque simplifie également l'aspect programmation, puisque les créatures obéissent à un comportement plutôt scripté lorsqu'elle sont en posture hostile ou défensives.

Mouvement : les créatures fuient une cible, se maintiennent au corps à corps, à distance ou essaient de garder une proximité relative avec les membres de leur groupe (le cas des Vyrrlins associés en escouade).

Perception et gestion des ennemis : la portée de détection est représentée par une surface arbitraire autour des entités, où celles-ci scannent les autres créatures grâce aux signaux entrants et sortants de leur Area2D ; elles déterminent si c'est un ennemi, maintiennent une liste de leurs adversaires proches, et décident si elles doivent l'attaquer selon leur situation actuelle. La cible prioritaire est pour l'instant la plus proche, rafraichie toutes les 0.2 secondes pour éviter un calcul de distance peu optimisé à chaque frame.

Les ennemis sont détectés par le joueur lorsqu'ils entre sa zone de "perception" (ici le collider étendu autour du joueur). Si la créature ne retient pas ses coups, elle considère la cible la plus proche comme son ennemi principal et se tourne vers elle. Si elle se rapproche sous sa portée de coup, elle le frappe.

 

Attaque prioritaire : l'arme principale est utilisée automatiquement en mêlée, à distance ou en projection de zone de dégâts (voir ci-dessous).

Utilisation passive de compétences et d'esquive : à chaque attaque ennemie, les créatures les plus agiles ont une chance d'esquive totale ou partielle des dégâts. Une esquive réussie draine l'énergie (seconde ressource après les points de vie). Cela doit empêcher un ennemi rapide d'esquiver trop d'attaques dans le cas où il affronte plusieurs opposants.

Certains ennemis, et vyrrlins, possèdent des compétences passives qui renforcent leurs attaques (dédoublement, application de poison, gain de vitesse d'attaque), mais aussi des compétences "actives" se lançant périodiquement (une plus grosse attaque toutes les X secondes). Le terme "actif" est entre parenthèses, car le joueur ne pourra demander à ses alliés qu'une priorisation dans le lancement des effets.

Le résultat est un joueur qui peut se déplacer, désengager le combat et esquiver une attaque de zone manuellement, en sautant en dehors de son périmètre. Le reste est automatique et se lance dés que les ennemis sont à portée. Les alliés seront efficaces et autonomes, utilisant au maximum leurs compétences dés qu'elles sont disponibles, dans l'ordre prévu. Cela peu paraitre complexe, mais les compétences restent toujours relativement simples, et les types de dégâts limités. Le joueur devra essentiellement gérer les armes utilisées par ses alliés, la composition de leur groupe, et les capacités qu'ils utilisent au combat.

Je n'ai pour l'instant pas prévu de possibilité de donner l'ordre de concentrer les attaques sur une seule cible. J'aimerai développer des combats qui n'en demandent pas l'utilité, car un de mes buts est de permettre au joueur d'envoyer des escouades autonomes détruire des autels de corruption. Mais si cela parait au final trop frustrant, j'en implémenterai la possibilité.


Trois grands types d'attaques valent pour toutes les créatures. Elles utilisent toutes la même classe Weapon et la même logique de détection (AKA, quand la logique d'attaque d'une chimère de deux mètres est programmée, on pourra la décliner instantanément pour celle du canard sauvage).

Les attaque de corps à corps, qui sont une attaque à portée courte mais surtout sans projectile voyageant vers la cible.


Les attaques à distance, avec un effet voyageant vers la cible et conservant sa rotation. Techniquement, les dégâts se déclenchent au départ du projectile, tout comme le calcul de l'évitement. Lorsque la flèche part, elle "sait" déjà si elle va toucher ou non.


Les attaques de zone sont codées sur la même base, mais au lieu d'infliger immédiatement des dégâts à une cible vivante, elles créent une zone avec un collider à l'emplacement visé. Ce collider a deux fonctions : prévenir les créatures ennemies prises à l'intérieur, pour les notifier qu'elles doivent l'esquiver si possible d'un bond immédiat, ou à minima l'éviter comme obstacle de pathfinding. Deuxièmement, leur infliger des dégâts et/ou des effets une fois son expiration arrivée.


 

Sur ce second GIF, on peut voir que les ennemis pris dans le rayon prévu de l'attaque tentent immédiatement d'en sortir d'un bond rapide (dash), avec plus ou moins de succès. La zone jaune apparaissant et disparaissant en même temps que la zone rouge de l'attaque représente une zone obstacle au pathfinding des ennemis, les faisant l'éviter tant qu'elle n'a pas encore déclenché ses dégâts. Oh, et on ne peux pas tirer à travers les murs. Essentiel.

Ce délai d'expiration peut représenter le temps que met un projectile enflammé à rejoindre sa cible ou sol, ou le temps que met un animal qui charge devant lui. La reconnaissance de l'appartenance d'une attaque est déjà implémentée. Une créature sait, en étant dans le rayon de cette attaque, si elle va lui infliger des dégâts ou non (pas de friendly fire, ce serait trop chaotique et peu satisfaisant à gérer !).

Pour nuancer ce caractère robotique, des aspects aléatoires interviennent dans ces comportements de combat. J'ai déjà mentionné les esquives d'attaque ciblée, ou bien l'évitement d'une zone de dégâts d'un bond (un évitement limité car très drainant en énergie, mais pouvant atténuer l'efficacité de lanceurs de feu dans votre équipe par exemple, ou au contraire permettre à vos villageois d'éviter une charge). Des statistiques affecteront aussi, de façon notable, l'efficacité de certaines armes (spoiler, les montagnes de muscle frapperont plus fort, mais pas d'inquiétude - chacun trouvera son compte au combat).

Trois types d'ennemis ombreux sont actuellement prévus, ainsi que plusieurs espèces animales qui auront pour certaines un ou deux compétences passives à leur actif pour pimenter leurs combats.

Si le développement de toutes ces mécaniques est en très bonne voie pour le moment, il me reste à implémenter certains statuts (dégâts de poison, saignement, mise à terre) ainsi que l'arbre de talents des vyrrlins, une étape intimidante !

Je vise une mise en place quasi intégrale du gameplay combat, en arène, avant de passer aux autres aspects du jeu. Si j'arrive à rendre le spectacle de sphères se battant procéduralement contre des vagues de cubes plaisant, il n'y aura définitivement plus aucun autre aspect du jeu qui m'effraiera pour la suite du projet.

Artistiquement parlant, même si ce n'est pas pour tout de suite, j'espère mélanger animations semi-procédurales et divisées selon le haut et le bas du corps, pour donner un visuel fluide où les créatures se suivent et "dansent" les unes par rapport aux autres pour donner des affrontement organiques (mais pas trop bordéliques, espérons-le).

Et voici pour le premier article de game dev ! Il y aura davantage de détail sur les combats au prochain billet (et aux suivants), lorsque les mouvements seront définitivement codés. Et d'autres sujets plus généraux, traités entre-temps. 
 
En attendant, portez vous bien !

4 avr. 2024

Revue de livre: Atomic Habits, de James Clear

Ah, les livres de développement personnel. "Déverrouillez votre vrai potentiel réellement humain incroyable", "Votre ego de beauf est votre ennemi", et autres "Détaillé dans ce livre: le secret pour trouver la motivation instantanée de devenir entrepreneur millionnaire sans jamais fléchir". Au point où nous en sommes, je suis persuadée qu'une partie des amateurs de ce genre achètent ces œuvres en connaissance de cause. Chacun de ces ouvrages que je vois dans les rayons des librairies, et qui me promet de trouver la voie ultime du bonheur en quatre heures de lecture, pour changer ma vie à jamais ; comment pourrais-je résister, même en sachant pertinemment que la seule voie pour arrêter d'être une gigantesque feignasse est longue, ardue, et jamais totalement inachevée d'ailleurs je lâche ce PC et je retourne sur Monster Hunter, merci  ?
 

Fort heureusement, pour chaque pelleté de parchemin honteux, remplis de billevesées et de conseils inutiles ("vous n'avez pas envie de faire un truc ? il suffit de se forcer et de le commencer vitevitevite ! hop ! HAHA EZ !"), il existe plusieurs perles rares qui s'avèrent réellement précieuses pour tout humain cherchant à prendre soin de soi, ou à (re)trouver un peu de sens dans sa vie débordée. 

Écrites par des individus au cerveau fort bien galbé, ces livres sont souvent les mieux appréciés au bout de plusieurs lectures espacées de quelques mois, le temps de digérer, d'appliquer, et de ruminer les concepts présentés. La psychologie, les sciences cognitives, et la sociologie sont souvent impliquées, et le ton varie de "dialecte scientifique brut" à "applications pratiques pour vie quotidienne".

Comme beaucoup de gens dans notre vie moderne, je me suis par le passé inquiétée de ma santé mentale. De la tronche de mes journées, qui semblaient pleines à craquer et drainantes au possible, sans que je n'ai l'impression d'avancer dans quoi que ce soit de concret ou de plaisant dans la vie. Je me suis demandée où étaient passées ces après-midis, ces journées incroyables à écrire des nouvelles d'aventure, ou à travailler sur du code en complète déconnexion mentale, pour aller se coucher le soir avec un sentiment profond de satisfaction et de travail bien accompli.

Alors, j'ai commencé à lire des livres de développement personnel. Les plus connus, notamment, et il y en a bien une poignée qui ont définitivement changé ma façon de percevoir le monde et d'organiser ma vie. J’espérais profiter de ce blog pour parler de ces sujets critiques, qui préoccupent de plus en plus de personnes, jeunes ou vieilles, au fur et à mesure de l'évolution de nos moyens technologiques. Et vous partager un avis et un résumé de plusieurs ouvrages afin de piquer votre curiosité, et de vous aider à faire un potentiel choix dans la jungle de publications, à la qualité parfois douteuse.

 

Sans davantage de préliminaires littéraires, nous commençons cette série avec un livre populaire relatant des sciences cognitives et des habitudes : Atomic Habits, de James Clear, publié en octobre 2018 (277 pages sur son édition Kindle).

"Je ne peux pas m'empêcher de manger comme un goret chaque jour au goûter de 16h."

"J'aimerais commencer à méditer régulièrement mais je n'arrive jamais à le faire plus de trois jours de suite."

Ou bien encore, "j'ai le fâcheux réflexe de jeter des pierres en direction de mon entourage dés que j'entends le début d'un morceau avec trop d'auto-tune."

Si l'une de ces phrases vous ressemble, vous pourriez être fort intéressé par le postulat présenté par Monsieur Clear. Atomic habits pourrait être traduit par "habitudes atomiques" (que celui qui vient de gueuler "merci Captain Obvious" se dénonce §§), avec un terme atomique qui fait directement référence au plus petit élément constituant de la matière, impossible à fragmenter.

En effet, cette approche nous présente, que c'est la répétition indéfectible, jour après jour, de petits progrès dans une discipline, qui permet d'ancrer des habitudes durables et surtout de progresser de façon réelle au long-terme. Certains d'entre-vous auront peut-être déjà entendu cette théorie du "1% d'amélioration chaque jour". Les mathématiques veulent que si vous améliorez une compétence d'un petit pourcentage chaque jour, vous terminerez théoriquement l'année avec un bond de 1^365 = environ 37 fois votre niveau initial.

Et Monsieur Clear a une façon diablement séduisante de présenter son concept. Son introduction nous présente d'abord en quoi une habitude dûment maintenue rapporte les dividendes maximales pour un apprentissage (ouep, les dividendes, comme pour l'argent), et pourquoi la plupart des gens échouent quand ils essaient d’incorporer une routine mal-amenée dans leur vie.

Répéter une habitude, aussi modeste soit-elle, permet d'écarter toute période de stagnation ou de régression. Elle cimente votre routine, et au fil du temps, reflète votre identité. Qu'importe mes compétences de base en rédaction, un "J'écris des articles de blog un peu tous les jours" reflète un "je suis auteur d'un blog obscur". "Je code quotidiennement un jeu beaucoup trop ambitieux sous GODOT" se traduit finalement par "je suis chroniquement dérangée, mais très heureuse".

Elle brise également ce que l'auteur appelle "The Plateau of Latent Potential" ("la tente potentielle ? quoi ? on parle des Quechua ?"), un terme très élégant qui illustre le phénomène bien connu de "woah, je ne suis pas devenu instantanément célèbre ou doué à la guitare en deux semaines, malgré mon entraînement quotidien ? Youtube m'aurait donc menti ?".

Fichtre §§

Contrairement à l'impression que nous donnent certaines percées de célébrités ou succès planétaires diffusés sur les réseaux sociaux, les réussites ne sont quasiment jamais une affaire instantanée. Il faut de longs, très longs efforts réguliers, et des échecs, passer par des périodes difficiles où rien ne semble décoller, avant de percer ce plateau métaphorique, et de commencer à accumuler les victoires et les résultats. De l'extérieur, cela ressemble à des gens qui ont un talent inné ou une chance incroyable. En réalité, c'est tout le travail et les remises en question précédentes, qui se sont lentement accumulés de façon invisible, comme du magma remplissant pendant plusieurs centaines d'années une chambre souterraine sous un volcan, avant de finalement provoquer un cataclysme monumental. 

Fort heureusement, je serais très heureuse d'assister à votre succès professionnel sur LinkedIn. Beaucoup plus qu'à une éruption explosive, avec des nuées ardentes dévalant des pentes à 200 km/h, et des blocs de basalte incandescents projetés aux alentours.

L'introduction se termine sur un propos insistant, sur le fait de privilégier les habitudes, et les systèmes, par rapport aux buts en eux-mêmes. Par exemple, ne cherchez pas (seulement) à courir un semi-marathon. Concentrez-vous sur votre entraînement quotidien. Ne soyez pas obnubilé par le fait d'atteindre le rang Diamant sur League of Legends. Cherchez à un être un meilleur joueur, à chaque partie, sans tenir compte de votre rang actuel.

"Les résultats suivent d'eux-mêmes les bonnes pratiques." Cette philosophie est toujours de bon conseil, et me rappelle un autre livre qui appuie fermement dessus : Poker Mindset, de Matthew Hilger. Ce livre - attention ne tombez pas tout de suite de votre chaise - traite primairement de poker. Mais je le conseillerai à n'importe qui évoluant dans une sphère compétitive, au travail, comme en hobby. Se concentrer sur les systèmes permet une progression constante, d'éviter la frustration, et d'être plus résilient psychologiquement (on s'y contrefout des échecs à court terme, ils ne veulent rien dire dans la progression globale, voire, sont essentiels).

Cependant, je trouve que l'importance des buts est ici peut-être trop nuancée. Des objectifs trop envahissants peuvent entraver des habitudes au long-terme. Mais ils sont aussi indispensables pour cadrer, et motiver une routine, un projet. Un système dévoué de tout but, c'est comme gueuler à un navigateur "TENEZ BIEN LA BARRE CAPITAINE FAITES ÇA BIEN §§" pour qu'il vous réponde immédiatement, "OUI MAIS IL EST OÙ NOTRE CAP, GROS CON DE TERRESTRE ?? J'SAIS PAS OÙ ON VA".

Je me vois mal écrire chaque jour sans avoir en tête la publication d'un article, ou d'une nouvelle, présentable dans son immaculée intégralité à un public. Je me vois mal expérimenter quoi que ce soit sur GODOT sans imaginer mon jeu final en main. Et il ne faut pas oublier que certaines expériences sont destinées à être des coups d'un soir (ou d'une semaine, ou d'une année). Hop, j'essaie l'escrime une saison. Je m'intéresse à l'espagnol ce printemps, pour le voyage scolaire de l'année de ma fille. Je publie en one-shot un livre de cuisine digitalisé, parce que c'était fun de le faire une fois, et ensuite de passer à autre chose.

Quand on développe une routine, c'est parfois pour pallier à une envie ou un besoin passager. Pas forcément pour devenir expert et passer à 56 ans sur une chaine d'informations continue, avec une webcam de mauvaise qualité.


Ensuite, cœur du livre, il s'appuie sur la description comportementale d'une habitude (stimuli > désir > action > récompense), pour proposer deux leviers d'action pour chacune de ces étapes. Un positif, un négatif.

 

La boucle de routine. Lisez stimuli (cue), désir (2), réponse (3) et récompense (4). Image littéralement issue du site du monsieur.
 
levierrenforcer une habitudedésapprendre une mauvaise habitude
stimuli (cue)la rendre évidente/visiblela rendre invisible
désir/envie (craving)la rendre attirantela rendre respoussante
réponse (response)la rendre facile à fairela rendre difficile
récompense (reward)la rendre satisfaisantela rendre non satisfaisante
 
Par exemple, pour encourager le stimuli d'une habitude qu'on souhaite garder, la règle est de le rendre évident. Mettre en évidence les clés qu'on ne veut pas oublier sur le comptoir. Rendre le calendrier mural inratable, pour ne pas oublier l'anniversaire de votre oncle relou. Étaler vos affaire de sport sur le canapé pour ne laisser aucun doute sur le fait que vous DEVEZ aller courir ce midi.

Pour, au contraire, minimiser les chances de reproduire une habitude dont on souhaite se débarrasser (et surtout faire en sorte que ce ne soit pas difficile à résister), il faut la rendre invisible. Cachez, ou arrêtez d'acheter ces cookies Granola maxi-beurre chocolat. Enlevez Twitch et Twitter de votre barre personnelle de favoris. Ne laissez pas votre smartphone à côté de l'assiette pendant le repas BON SANG DE-

Les explications pour chaque dualité d'action sont très claires et bien illustrées. L'énorme point fort de cette méthode, c'est qu'elle vous donne des outils immédiats pour changer votre quotidien, et une réflexion instantanée sur le contenu de vos journée. Pour chaque habitude que vous souhaitez instaurer, ou renforcer, vous pourrez vous demander comment la rendre plus visible, plus attrayante, plus facile, plus automatique. Vous pourrez même éventuellement comprendre pourquoi vous n'avez pas réussi à la mettre en place la dernière fois.

Ce raisonnement a d'autant plus de probabilités de fonctionner, car il est en accord avec notre nature profonde de créature simiesque. Trop de gens pensent que la motivation et la discipline sont des capacités innées et fixes. Certains en hériteraient à la naissance, et seraient capables d'invoquer leur volonté inflexible à n'importe quelle heure de la journée. Quand le reste de nous autres, pauvres singes défavorisés, seraient éternellement faibles et impuissants face à l'appel des brownies chauds de la vitrine de la boulangerie.

 
La vérité, c'est que les gens qui ont l'air d'excercer le plus de discipline, essaient en réalité d'en dépenser en réalité le moins possible. Votre cerveau est feignant, et par extension, vous l'êtes aussi. Le principe d'une habitude, c'est de transformer une routine en processus automatique, qui ne vous demande PAS d'excercer votre volonté (ressource qui, pour tout le monde, est en accès limité au cours de la journée). La difficulté restera toujours de s'accrocher à pratiquer une routine assez longtemps, pour qu'elle en devienne inconsciente à l'exécution (et l'adapter pour qu'elle passe de façon pratique dans votre quotidien).

En bonus, étudier vos habitudes actuelles vous fera réfléchir au véritable contenu de vos journées ("quoi ? je passe 40 minutes par jour à regarder des feeds Reddit ? mais non C'ÉTAIT CINQ PAR JOUR MONSIEUR LE JUGE JE LE JURE"), ce qui vous aidera à donner une meilleure valeur à votre temps, et à purger des activités qui vous demandent définitivement trop d'attention. 

Je vous le confirme, s'améliorer de 1% (ou plus) chaque jour est LA voie suprême de progression. Mais cela signifie aussi y dédier quotidiennement, pour une majorité d'activités, un minimum d'une vingtaine de minutes de concentration. Nous avons tous des obligations peu palpitantes dont il faut s'occuper chaque jour. Se laver. Nettoyer les vitres. Manger ces foutus cinq fruits et légumes par jour (cuisinés maison, à l'huile d'olive, s'il vous plait). Si vous voulez soudainement insérer une demi-heure de gigue irlandaise chaque matin, il va peut-être falloir faire des choix, pour devenir un peu plus un danseur du festival de Lorient.

Tout ça commence aussi à nous rappeler que notre capacité de concentration quotidienne n'est pas infinie. Et c'est là que cet ouvrage atteint ses limites. Il ne vous juge pas, mais il n'apporte également aucune indication sur ce que vous devriez faire avec le contenu de vos journées. Rien ne vous empêche, théoriquement, de décider de caler 12 routines différentes de 15 minutes par jour pour essayer de devenir un humain multi-fonction, un véritable primate Moulinex (spoiler, ça ne fonctionne pas).

Paradoxalement, là où d'autres livres donnent des buts, sans procurer de moyens actionnables, cet ouvrage vous filera un GPS, sans vous donner de bonnes adresses pour vos vacances d'été. Ce sera à vous de déterminer quelle sorte de personne vous souhaitez être, et quelle type de journées vous voulez vivre. Une tâche incroyablement complexe, peut-être encore plus intimidante, et qui fait l'objet de nombreux autres livres de développement personnel.

 

Bons points pour l'ouvrage:

- une méthode neutre, sans jugement, qui vous donne champ-libre à ce que vous décidez être de bonnes, ou de mauvaises habitudes 

- un raisonnement comportemental simple, mais établi sur des fondements solides, qui vous donne des leviers immédiatement actionnables pour améliorer votre progression dans les domaines que vous visez (la méthode est même honnêtement ludique et fun par certains aspects !)

- il vous présente également les clés pour mieux vous débarrasser des mauvaises habitudes, ce qui est probablement tout aussi précieux !

- un rappel bienveillant que nul succès n'est immédiat, mais que tout effort dûment dépensé, chaque jour, s'accumule dans votre capital de victoire, et vous permettra de percer quand ils se seront assez accumulés

- des réflexions à base de petits progrès applicables par tous, dans tous les domaines, que vous soyez millionnaires ou au fond du trou ; elles rentrent dans une logique d'amélioration, de changement, à l'opposé du fatalisme

- style clair et agréable, exemples concis, ton humble


Défauts et points négatifs:

- comme beaucoup de livres de développement personnel, il peut vous donner l'impression de pouvoir révolutionner instantanément votre quotidien, ce qui a, ironiquement, de fortes chances d'échouer si vous essayez de tout changer d'un coup

- n'apporte absolument aucun conseil sur la façon de travailler, ou sur quoi se concentrer dans la vie, ou sur ce qui peut rendre votre quotidien meilleur (en soi, ce n'est pas un vrai défaut, mais davantage une remarque sur le contenu de fond du manuscript)

- appliquer les différents leviers pour freiner une mauvaise habitude, ou améliorer une bonne routine, vous demandera peut-être plusieurs lectures et réflexions ; il n'est pas toujours évident de trouver du premier coup ce qui fonctionnera pour vous

 

À qui ce livre s'adresse-t-il ?

Atomic Habits un manuel practico-pratique et simple sur les façons de renforcer, ou de se débarrasser d'une habitude. Il s'adresse à des personnes qui ont identifié une routine dont ils essaient désespérément de se détacher (se ronger les ongles, trop manger, passer trop de temps sur un média en particulier), ou bien un domaine pour lequel ils n'arrivent jamais à maintenir une pratique régulière (instrument de musique, sport, apprendre une langue, méditer, prendre du temps pour sa famille). Il peut aussi satisfaire les curieux de sciences comportementales, ou plus généralement des gens qui essaient d'atteindre des succès à long-terme dans la vie.

Il ne s'adresse définitivement PAS à ceux qui cherchent un sens à leur quotidien, à mieux gérer leur temps, à déstresser ou à être un peu plus heureux.

 

Vous avez aimé cet article littéraire révoltant, mais savoureux ? Et bien sachez que c'est le premier de son genre sur ce blog, et qu'il n'y en a pour l'instant aucun autre. Mais attendez quelques semaines, et de nouvelles revues de livres devraient faire leur apparition. Vous pourrez les retrouver facilement grâce aux libellés des articles, accessibles dans le menu de droite.

Prenez soin de vous, à la prochaine !